Pendant le siège de Paris par l’armée prussienne, les deux aurores boréales du mois d’octobre ont répandu une profonde émotion. Laissons la parole à l’éminent secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences : « Dès le commencement de la nuit, à la première apparition, une lueur se remarquait au nord, et, peu à peu, le ciel s’éclairait d’une nuance rose, qui en envahissait la moitié. De temps à autre s’élançaient des rayons colorés, presque toujours d’un rouge de sang très intense, tandis que se montraient, çà et là, au-dessus de Paris, des plaques rouges, sanglantes aussi. Au moment où le phénomène touchait à son terme, et quand le ciel s’assombrissait déjà, on vit, tout d’un coup, la couleur rouge resplendir encore d’un effrayant éclat. Le lendemain, l’apparition recommençait avec une intensité un peu moindre et laissait voir des irradiations blanches, lumineuses, dont le centre était placé vers la constellation de Pégase ; traduisant les impressions de leur âme, les uns en comparaient l’aspect à une gloire, les autres à une croix. Parmi les habitants de Paris, il en est peu que ces phénomènes n’aient saisis de crainte, et à qui, dès l’abord, ils n’aient inspiré la pensée qu’une grande machine incendiaire était mise en jeu pour forcer les murailles ou pour démoraliser leurs défenseurs. Il en est peu qui, voyant qu’il s’agissait seulement d’une aurore boréale d’une espèce rare, n’aient cherché alors quels pronostics heureux ou malheureux pouvait en tirer leur patriotisme ému. » L’aurore boréale qui est venue s’épanouir et briller d’un vif éclat sur notre horizon, le 4 février 1872, est la plus belle que l’on ait vue jusqu’ici en Europe. Elle a commencé vers les cinq heures du soir et s’est terminée vers les deux heures du matin. Elle a été également visible en Asie, en Afrique et en Amérique, M. Fron, qui l’a observée à l’Observatoire de Paris, dit, dans sa note à l’Académie des sciences, que, vers six heures du soir, les variations de l’aiguille aimantée étaient telles que la lecture en était impossible ; l’aiguille d’inclinaison avait atteint au minimum 65 degrés et demi environ. Vers les neuf heures, les mouvements de l’aiguille de déclinaison sont très bizarres. L’aiguille semble hésiter pour s’avancer dans une direction, elle tâtonne pour ainsi dire, puis tout à coup avance de quelques divisions, hésite de nouveau, pour repartir dans la même direction. À d’autres moments de la soirée, l’aiguille parcourt à peine une division de l’échelle, mais elle est animée d’un mouvement vibratoire très rapide. Cette aurore a été visible dans une partie très considérable de l’Europe ; les nouvelles reçues à l’Observatoire des stations météorologiques montrent qu’elle s’est étendue sur l’Angleterre, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Turquie ; tous les renseignements n’étaient cependant pas encore parvenus. Des dépêches annonçant des perturbations magnétiques et des perturbations sur les lignes électriques ont également été adressées. D’après une dépêche de M. le directeur des lignes télégraphiques, la perturbation s’est fait sentir à partir de trois heures trente minutes, d’abord sur les lignes de l’Est, Allemagne, Autriche ; vers quatre heures, les lignes de la Suisse étaient atteintes, et le phénomène s’est rapproché successivement de Paris, en passant par la Suisse, par Besançon et par Dijon ; à cinq heures, les fils des environs de Paris étaient également influencés. Le câble transatlantique de Brest à Duxbury, dit M. Tarry, a été parcouru par de forts courants, sautant brusquement d’un sens à l’autre.