Un pauvre moujik n’avait plus de pain ; il se décida à demander quelque chose au barine. Pour ne pas se présenter devant lui les mains vides, il prit une oie, la fit rôtir et la lui porta. Le barine prit l’oie et dit au moujik : — Je te remercie, moujik, de cette oie ; seulement je ne sais pas comment la partager. J’ai une femme, deux fils et deux filles. Comment s’arranger pour que chacun soit content ? Le moujik dit : — C’est moi qui vais faire le partage. Il prit le couteau, coupa la tête et dit au barine : — Tu es la tête de la maison, prends la tête. Puis, coupant le derrière de l’oie, il le donna à la barinia : — Tu dois, dit-il, t’asseoir et rester à la maison ; c’est à toi que revient ce morceau. Après, il coupa les deux pattes, les donna aux deux fils, et leur dit : — Vous êtes les pieds, vous devez marcher sur les traces de votre père. Et coupant les ailes, il les offrit aux deux filles et ajouta : — Quant à vous, voici les ailes, car vous vous envolerez bientôt de la maison. Et désignant ce qui restait, il dit : « Ceci est pour moi ! » Le barine sourit, et donna au moujik du pain et de l’argent. Un riche moujik, apprenant que le barine avait donné de l’argent et du pain à un moujik pour une oie, fit rôtir cinq oies et les porta au barine. Le barine dit : — Merci pour les oies ! mais je suis bien embarrassé, car avec ma femme et mes enfants, nous sommes six ; comment partager ces cinq oies entre nous ? Le riche moujik réfléchissait et ne pouvait rien trouver. Le barine envoya chercher le pauvre moujik, et lui ordonna de faire le partage. Le pauvre moujik prit une oie pour le barine et la barinia, et dit : — Vous voilà trois ensemble avec cette oie. Il en donna une autre aux fils, et leur dit : — Vous serez trois avec cette oie. Puis, il donna l’autre aux filles. — Et vous aussi, dit-il, vous serez trois. Alors il prit les deux oies qui restaient et ajouta : — Et nous aussi, nous restons trois ! Le barine sourit, donna encore de l’argent au pauvre moujik, et renvoya le riche.