En effet, dessiner n’est pas reproduire un objet tel qu’il est, ceci est la besogne du sculpteur, mais tel qu’il paraît, et ceci est celle du dessinateur et du peintre ; ce dernier achève, au moyen de la dégradation des teintes, ce que l’autre a commencé au moyen de la juste disposition des lignes ; c’est la perspective, en un.mot, qu’il faut mettre non pas dans l’esprit, mais dans l’œil de l’élève. Vous ne m’apprenez, dirai-je au maître, avec vos proportions exactes et votre perspective par a plus b, que des vérités ; et dans l’art tout est mensonge : ce qui est long doit paraître court, ce qui est courbe paraîtra droit, et réciproquement. Qu’est-ce en définitive que la peinture dans sa définition la plus littérale ? L’imitation de la saillie sur une surface plane. Avant de faire de la poésie avec la peinture, il faut avoir appris à faire venir les objets en avant ; il a fallu des siècles pour en arriver là. On a commencé par un trait sec et aride, on a fini par les merveilles de Rubens et du Titien, dans lesquels les parties saillantes comme les simples contours, prononcés chacun dans la mesure convenable, sont arrivés à cacher l’art tout-à-fait à force d’art : voilà le nec plus-ultra, voilà le prodige, et ce prodige est le fruit de l’illusion.