La puce et la mouche se rencontrèrent ; la puce revenait de la campagne, et la mouche revenait de la ville. La puce regarda la mouche et ne la reconnut pas, toute sèche, le ventre plat et les pieds longs. La mouche s’étonna aussi de l’état de la puce, tout aplatie et bossue. — Bonjour, lui dit la puce, d’où viens-tu ? — Je viens de la ville, répondit la mouche. — Et pourquoi es-tu devenue si sèche ? ajouta la puce. — Parce que, reprit la mouche, on ne vit pas bien là-bas. — Et pourquoi cela ? — On y est trop propre ; on entre dans une riche maison, et l’on se dit : Voilà où je vais bien me nourrir. Mais le repas terminé, deux domestiques arrivent qui enlèvent tout, en mangeant une partie, et ce qui reste sur la table est lavé, nettoyé. D’autres fois, on va chez un pauvre ; il n’a pas toujours de quoi manger pour lui-même, mais, malgré cela, il est propre : on lave chez lui la moindre chose. Alors, je me suis décidée à quitter la ville, je vais de nouveau à la campagne ; là du moins, si la nourriture est plus simple, la vaisselle n’est pas si bien lavée. Eh bien, et toi, petite tante, comment vis-tu là ? — Oh ! répondit la puce, cela ne va pas non plus à la campagne ; les gens dorment peu et deviennent très-maigres ; on saute sur le banc, ou sur le poêle, et l’on ne trouve rien à manger ; si, par hasard, on mord sur quelque chose, vite les gens se lèvent, courent aux champs où ils passent parfois les nuits. Alors, je vais à la ville ; peut-être trouverai-je plus facilement à me nourrir là-bas. — Va ! va ! ma petite, ce séjour convient à ta profession ; tu y trouveras des gens très-gras et qui dorment jusqu’à midi. Je me suis trouvée un jour avec une puce, elle avait tellement sucé la chair des barines qu’elle pouvait à peine se traîner. — Alors, adieu ! dit la puce, j’aurai peut-être la même chance ; comment ne trouverais-je pas à bien vivre, là où il n’y a que des dormeurs ? La puce sauta jusqu’à la ville, et la mouche vola du côté de la campagne.