On avait, depuis Aristote, essayé sans succès d’expliquer la rosée. Pour les uns, elle tombait du ciel, pour les autres elle sortait de la terre, sans qu’on la vît ou tomber ou s’élever. Wells résolut simplement la question par un petit nombre d’observations rationnellement conduites. Il prenait des flocons de laine, les pesait, les étalait sur le sol au coucher du soleil, et mesurait la rosée qu’ils avaient reçue par l’augmentation de poids qu’ils avaient éprouvée. Au bout de quelques jours d’études, il avait reconnu que la rosée est abondante par les temps sereins sur les lieux découverts, qu’elle ne se produit pas sous une toile tendue, sous un toit ou sous les nuages, c’est-à-dire sous un abri quelconque, à quelque distance qu’il soit placé. La condition essentielle du phénomène est que l’objet qui reçoit la rosée soit exposé librement à la vue du ciel étoilé. Voilà une manière très philosophique d’observer ; quand on sait ce qui favorise ou détruit l’effet inconnu dont on s’occupe, on a fait un grand pas vers l’explication. Que se passait-il donc de si différent dans ces flocons de laine exposés à la vue du ciel ou couverts d’un abri ? Wells le chercha en posant au milieu de chacun d’eux des thermomètres semblables. Ceux des thermomètres qui étaient protégés baissèrent peu, ceux qui étaient libres furent considérablement refroidis. Il y a là une coïncidence qu’il faut remarquer. Quand il y a refroidissement, il y a dépôt de rosée, et quand la température ne s’abaisse point, la rosée ne se montre pas. Alors l’explication du phénomène s’offre naturellement à l’esprit. La laine refroidie condense la vapeur d’eau répandue dans l’atmosphère, comme les vitres d’un appartement échauffé pendant l’hiver, comme la surface d’une carafe remplie d’eau glacée pendant l’été, et si on s’élève de cette expérience de Wells à l’action qui se produit dans la nature, on conclut que l’herbe des prés se refroidit en présence du ciel pendant la nuit et se couvre de la vapeur que l’air lui cède. La rosée ne tombe pas du ciel, elle ne sort pas du sol : c’est l’air qui la contenait en vapeur et qui l’abandonne sous la forme de gouttelettes liquides. Il ne reste plus qu’une question à poser, c’est celle-ci : pourquoi l’herbe se refroidit-elle ? C’est qu’elle rayonne pendant la nuit de la chaleur vers le ciel et ne reçoit rien en échange. Pourquoi ne se refroidit-elle pas sous un abri ? C’est que celui-ci, par son interposition entre la terre et l’espace, empêche la chaleur de s’échapper. Cette explication est complète ; elle est d’autre part un exemple d’un fait météorologique simple dans lequel toute la série des actions se développe au même lieu : c’est en un point qu’agit la cause, c’est au même point que se voit l’effet, et un seul observateur suffit pour l’étudier.