C'était la coutume dans le village que Til Ulespiègle habitait avec sa mère que, lorsqu’un des habitants tuait un cochon, les enfants des voisins allaient chez lui manger une soupe qu’on appelait la soupe au pain blanc. Dans ce village demeurait un fermier qui était d’une avarice extrême. Il chercha comment il pourrait bien dégoûter les enfants de venir manger chez lui, et voici ce qu’il fit : il remplit de tranches de pain une grande terrine. Quand les enfants arrivèrent, garçons et filles, et Ulespiègle avec eux, il les fit entrer, ferma la porte, et trempa la soupe. Il y avait beaucoup plus de pain que les enfants n’en pouvaient manger. Aussitôt qu’un des enfants était rassasié et voulait s’en aller, le fermier tombait dessus à coups de baguette, et le forçait à manger encore. Et comme il était bien au courant des polissonneries d’Ulespiègle, il le surveillait de près et le traita plus durement encore que les autres. Il tint ainsi les enfants jusqu’à ce qu’ils eussent complètement mangé la soupe, ce qui leur plaisait autant qu’à un chien de paître. Depuis ce moment aucun d’eux ne voulut retourner dans la maison de ce fermier avare pour manger la soupe au pain blanc. Le lendemain, le même fermier rencontra Ulespiègle. Eh bien, mon cher Til, quand viendras-tu chez moi manger la soupe au pain blanc ? Quand tes poules iront attelées quatre à quatre à un morceau de pain. Alors tu attendras longtemps. Et si je venais avant la saison des soupes au pain blanc ? Là-dessus ils se séparèrent. Til attendit l’occasion. Un jour il vit les poules du fermier qui picoraient dans la rue. Il avait une quantité de bouts de fil qu’il avait attachés deux à deux par le milieu. Il attacha à chacun des bouts de fil un morceau de pain, et mit le tout dans la rue. Les poules commencèrent à manger les morceaux de pain, et les bouts de fil avec ; mais elles ne pouvaient les avaler, car à chaque bout de fil était une poule. Elles tiraient l’une sur l’autre, et ne pouvaient ni avaler le pain ni le rejeter, à cause de la grosseur des morceaux. Il y eut ainsi plus de deux cents poules qui tiraient l’une sur l’autre et qui s’étranglèrent.