Un courtisan tel qu’Ulespiègle ne pouvait manquer d’être connu. Le bruit de ses belles actions s’était répandu au loin, et les princes et seigneurs n’y trouvaient rien à reprendre, et lui donnaient habits, chevaux et argent, et place à table. Il alla trouver le roi de Danemark, qui le prit en amitié et le pria de faire quelque bon tour, lui promettant de faire ferrer son cheval des meilleurs fers du monde. Ulespiègle lui demanda s’il pouvait se fier à sa parole ; le roi répondit : Oui, et si tu fais ce que je t’ai demandé, je tiendrai ma promesse. Ulespiègle monta sur son cheval et s’en alla chez l’orfèvre, où il le fit ferrer avec des fers en or et des clous en argent. Puis il s’en retourna auprès du roi et le pria de faire payer la ferrure de son cheval. Le roi répondit que oui ; il ne demanda pas combien elle coûtait, et dit au secrétaire de la payer. Le secrétaire croyait avoir affaire à quelque mauvais maréchal ferrant ; mais Ulespiègle l’amena chez l’orfèvre, lequel demanda cent marcs danois. Le secrétaire ne voulut pas payer. Il s’en retourna et alla trouver le roi, et lui raconta la chose. Le roi fit venir Ulespiègle et lui dit : Ulespiègle, quelle ferrure chère tu as fait faire ! Si je voulais faire ferrer ainsi tous mes chevaux, il me faudrait bientôt vendre royaume et sujets. Ce n’était pas ma pensée qu’on ferrât ton cheval avec de l’or. Ulespiègle dit : Gracieux monarque, vous avez dit que ce devait être la meilleure ferrure, et que je devais m’en rapporter à votre parole. J’ai pensé qu’il ne pouvait y avoir de meilleure ferrure qu’une ferrure en or et en argent. Le roi répondit : Tu es mon courtisan favori, tu fais ce que je te dis. Il se mit à rire et paya les cent marcs pour la ferrure. Ulespiègle fit retirer les fers en or et fit ferrer son cheval avec des fers ordinaires. Puis, tant que le roi vécut, il resta avec lui.