Dès les temps les plus reculés, les sources bienfaisantes qui jaillissent de l’intérieur de la terre ont excité la gratitude et souvent l’admiration des hommes. Comme la mer et les fleuves, elles ont été divinisées chez les populations de la grande famille indo-européenne ; le culte qui leur était rendu, les fables dont la superstition les entourait, expriment à quel degré l’imagination populaire était frappée de leur origine mystérieuse, de leur cours intarissable et de leurs propriétés secrètes. Les Grecs attribuaient à la fontaine de Dodone, en Épire, la faculté de découvrir les vérités cachées et de rendre des oracles. Celle d’Egérie était supposée posséder le même pouvoir, et les Romains avaient confié sa garde, de même que celle du feu sacré, à des vestales. Les sources de Castalie, au flanc du Parnasse et d’Hippocrène, près de l’Hélicon, passaient pour communiquer l’esprit poétique. Les Gaulois avaient une vénération particulière pour les sources thermales auxquelles ils allaient demander la santé, comme le témoignent les noms des divinités Lixo et Borvo, inscrits sur des ex-voto, étymologies évidentes de ceux de Luchon, de Bourbonne et de deux localités bien connues aussi, Bourbon-l’Archambault et Bourbon-Lancy. Nos vieux romans de chevalerie, en imaginant une fontaine de Jouvence, où pouvaient se retrouver les forces et les charmes perdus, ne faisaient que reproduire un mythe déjà très répandu aux premiers âges de la Grèce, tant était grande la confiance dans la vertu des eaux. L’antiquité avait personnifié les sources sous la forme de naïades, jeunes femmes couronnées de plantes aquatiques, tenant en main une coquille ou appuyées sur une urne penchante. L’art moderne adopta cette allégorie ingénieuse. Chacun connaît les gracieuses figures dont le ciseau de Jean Goujon, a décoré la fontaine des Innocents, et la Nymphe de Fontainebleau, à laquelle Benvenuto Cellini donna un cerf pour attribut, afin de rappeler la source découverte pendant une chasse royale. La fontaine des Haudriettes, à Paris, était surmontée d’une naïade dont Diderot a loué le caractère fluide et coulant.