Le marionnettiste fait cadeau de cinq pièces d’or à Pinocchio pour qu’il les rapporte à son papa Geppetto ; mais, à la place, Pinocchio se fait avoir par le Renard et le Chat et les suit.. Le lendemain, le marionnettiste prit Pinocchio à part et lui demanda : Comment s’appelle ton papa ? Geppetto Et quel est son métier ? Mendiant. Cela lui rapporte beaucoup ? Beaucoup d'argent ? Il n'a jamais un sou en poche. Imaginez, pour m'acheter un abécédaire pour que je puisse aller à l'école, il a dû vendre son seul manteau, un manteau immettable, tout rapiécé et reprisé ! Pauvre diable ! Je suis vraiment désolé pour lui ! Tiens, voilà cinq pièces d’or. Pars tout de suite les lui porter et salue-le de ma part. Vous comprenez bien que Pinocchio se confondit en remerciements. Il embrassa toutes les marionnettes de la Compagnie, une par une, même les gendarmes, puis, tout excité, repartit chez lui. Mais il n’avait pas fait cent pas qu’il rencontra sur son chemin un Renard boiteux d'une patte et un Chat aveugle des deux yeux qui s’aidaient mutuellement, comme deux bons compagnons de malheur : le Renard boiteux s’appuyait sur le Chat, et le Chat aveugle se faisait guider par le Renard. Bonjour Pinocchio, lui dit le Renard en l'abordant poliment. Comment se fait-il que tu connaisses mon nom ? lui demanda la marionnette. Je connais bien ton papa. Où l’as-tu vu ? Je l’ai vu hier sur le pas de sa porte. Et que faisait-il ? Il était en bras de chemise et tremblait de froid. Pauvre papa ! Mais c'en est fini tout ça ; à l'avenir il ne tremblera plus ! Et pourquoi ? Parce que je suis devenu un Monsieur. Un Monsieur, toi ? l'interrompit le Renard en éclatant de rire méchamment avec mépris. Le Chat se mit aussi à rire mais, pour s'en cacher, il se peignait les moustaches avec ses pattes de devant. Il n’y a pas de quoi rire, s'exclama Pinocchio en colère. Désolé de vous faire venir l’eau à la bouche mais, si vous vous y connaissez un tant soit peu, vous voyez bien que ces cinq pièces sont en or. Et il sortit de sa poche l'argent qu'il avait reçu en cadeau. En entendant la sympathique musique des pièces le Renard eut un mouvement involontaire de sa patte soit-disant paralysée, tandis que le Chat ouvrait tout grand ses deux yeux verts qui brillèrent comme deux lanternes vertes. Mais il les referma aussitôt, et si rapidement que Pinocchio ne s’aperçut de rien. Et que vas-tu faire de tout cet argent ? lui demanda le Renard. En tout premier lieu, répondit la marionnette, j'ai l'intention d'acheter à mon papa un manteau neuf, tissé d’or et d’argent avec des boutons en diamants ; et après, je veux m’acheter un abécédaire à moi. Pour toi ? Exactement. J'ai décidé d'aller à l’école et d'étudier pour de bon. Regarde-moi, l'interrompit le Renard, cette stupide passion des études m'a fait perdre une patte. Regarde-moi, l'interrompit le Chat, cette stupide passion des études m'a fait perdre la vue. À ce moment-là, un merle blanc perché sur la haie en bordure de la route, se mit à siffler son air habituel et lui dit : Pinocchio, n’écoute pas les conseils de ces deux menteurs ou tu t’en repentiras. Pauvre merle ! Il aurait mieux fait de se taire ! Le Chat, d’un seul bond, lui sauta dessus et, sans même lui laisser le temps de dire ouf, l’avala d’une seule bouchée, plumes comprises. Une fois l’oiseau mangé et son museau nettoyé, le Chat referma les yeux et refit l’aveugle comme avant. Pauvre merle ! Lui dit Pinocchio, pourquoi l'as-tu traité de la sorte ? Je lui ai donné une bonne leçon. Cela lui apprendra à ne pas se mêler de la conversation d'autrui. Ils étaient presque à mi-parcours quand le Renard s’arrêta brusquement et dit à la marionnette : Aimerais-tu doubler ta fortune ? Comment cela ? Aimerais-tu remplacer tes cinq pauvres pièces par cent, mille, deux mille  pièces ? J'aimerais bien ! Mais de quelle manière ? C’est assez facile. Au lieu de rentrer chez toi, tu dois nous suivre. Et où voulez-vous m'emmener ? Au Pays des Hiboux. Pinocchio réfléchit un moment puis déclara fermement : Non, je ne peux pas venir avec vous. Je suis déjà tout près de ma maison et je veux retrouver mon papa qui m’attend. Qui peut dire le nombre de soupirs qu'a dû pousser le pauvre homme en ne me voyant pas revenir hier ! Je suis vraiment un mauvais fils et le Grillon-qui-parle avait raison de dire : « Les enfants désobéissants ne font rien de bien dans la vie. ». Je l’ai appris à mes dépens car il m’est arrivé beaucoup de mésaventures. Hier, dans la maison du Cracheur-de-feu, j'ai bien failli y passer. Oh, j'en tremble rien que d’y penser. Et bien, lui dit le Renard, tu as décidé pour de bon de rentrer ? Et bien, rentre, tant pis pour toi ! Tant pis pour toi ! répéta le Chat. Réfléchis bien Pinocchio, le pire t'attend. Le pire ! répéta le Chat. Entre aujourd'hui et demain, tes cinq pièces auraient pu se transformer en deux mille. Deux mille ! répéta le Chat. Mais comment serait-ce possible ? demanda Pinocchio, bouche bée. Je vais t’expliquer tout de suite, lui dit le Renard. Il faut que tu saches qu’au Pays des Hiboux il existe un champ sacré que tout le monde appelle le Champ des miracles. Dans ce champ, il faut creuser un petit trou, y déposer, par exemple, une pièce d’or, recouvrir le trou d'un peu de terre, l’arroser de deux seaux d’eau de la fontaine, l'asperger de deux pincées de sel et, le soir venu, rentrer tranquillement se mettre au lit. Pendant ce temps, pendant la nuit, la pièce va germer et fleurir, et au matin à ton réveil, quand tu retournes dans le champ que trouves-tu ? Tu trouves un arbre magnifique chargé d’autant de pièces d'or que les grains d’un bel épi de blé au mois de juin. Ça alors, lui dit Pinocchio de plus en plus émerveillé, si moi j’enterrais mes cinq pièces dans ce champ-là, combien en retrouverais-je le lendemain matin ? C’est très simple à calculer, répondit le Renard, tu peux faire le calcul tout seul sur tes doigts. Comme chaque pièce en donne cinq cents sequins, multiplie cinq cents par cinq, et le lendemain matin, tu te retrouveras avec deux mille cinq cents pièces d'or dans ta poche. Oh ! c’est fantastique ! s'écria Pinocchio, dansant de joie. Dès que j’aurai récolté toutes ces pièces, j’en garderai deux mille pour moi et je vous offrirai les cinq cents autres en cadeau. Un cadeau pour nous deux ? s’indigna le Renard d'un air offensé. À quoi pensez-vous ? À quoi pensez-vous ? répéta le Chat. Nous n’agissons pas par sale intérêt, nous agissons uniquement pour enrichir les autres. Les autres ! répéta le Chat. Quels braves gens ! se dit Pinocchio, et oubliant totalement son papa, le manteau neuf, l’abécédaire et toutes ses bonnes résolutions, il dit au Renard et au Chat : Partons tout de suite. J'ai décidé de venir avec vous.