Qu'il est bon de se blottir sous les couvertures le soir ! Après une journée bien riche d'apprentissages, de rires et de jeux, Victorien apprécie son doux lit moelleux. Cette impression de velours, de chaleur et de confort est accentuée par le bon bain chaud qu'il vient de prendre.
- Tu peux encore lire quelques minutes, lui dit maman, après quoi il faudra éteindre les lumières et dodo. Bonne nuit mon chéri !
Elle l'embrasse et quitte la pièce à petits pas. Seul dans sa chambre, Victorien savoure ce moment de solitude et de silence quelquefois interrompu par le doux frottement des draps et des pages du livre qu'il est en train de lire.

Lire le soir, c'est sans aucun doute une des choses qu'il préfère. Rien à voir avec la lecture en journée. La saveur de la nuit apporte cette touche de mystère que le jour ne peut donner. Aucun bruit ne vient perturber le voyage, l'aventure, l'évasion. Mais même ces péripéties immobiles fatiguent et Victorien, tout abandonné à son expédition lointaine, baisse la garde et finit par plonger dans le plus beau des sommeils.

Bientôt, le voyage de papier cède la place aux aventures intérieures : celles qui viennent de nulle part pour disparaitre aussitôt. Celles qui viennent de loin, du plus profond de son cœur. 
Victorien aime rêver car il n'y a de plus belles aventures à vivre que celles où tout y est permis, où l'impossible devient réalisable , où l'imaginaire d'aujourd'hui peut devenir la réalité de demain.

Le Far-West, les cow-boys, les indiens. D'où lui vient donc ce rêve ? D'un jeu de la journée ? D'un chapeau porté par un copain ? Un film vu récemment peut-être ? Victorien est un cow-boy. Il monte un magnifique cheval. Les sabots de sa fière monture font se soulever la poussière sous le soleil torride du désert du Colorado. Mais que vient-il donc chercher en plein après-midi, là où même les vautours font la sieste à cette heure ? 

La réponse ne tarde pas à venir : Il va rejoindre son ami l'Indien qui a, étonnamment, les traits de son meilleur ami. Cela fait un bout de temps qu'ils ne se sont plus revus et Victorien est particulièrement ravi de le retrouver. Pourtant, une inquiétude le gagne depuis un petit moment. Un malaise imperceptible. Une anxiété inexplicable. Un trouble croissant. Une CHOSE rode aux alentours.

Soudain, elle BONDIT ! Sans prévenir. Sans menace préalable. Elle est là. Moche. Méchante. Poilue. Grognante. Elle prend toute la place. Disparus indien et cow-boy. Elle a pris tout l'espace. Elle s'impose, elle vocifère. Le rêve de Victorien tourne au CAUCHEMAR !

La bête est dans son rêve. Elle y reste coincée. Victorien a bien tenté de la chasser de sa tête, mais rien n'y fait. A peine partie, elle revient, plus menaçante que jamais. Elle enfle. Elle grandit. Elle devient énorme. Tellement monstrueuse qu'elle finit par sortir du rêve et se retrouve dans sa chambre !

Elle est là ! Sans l'apercevoir il la voit devant lui remuant comme un ver de terre. Victorien le sait, il suffirait de hurler pour la faire disparaitre. Et pourtant il ne le peut pas. Impossible ! C'est comme s'il était devenu muet. Aussi, il n'y a qu'un seul moyen de la combattre : retourner dans son rêve et appeler Super Héros.

Super Héros ! Super Héros ! Super Héros ! Il l'appelle de tout son cœur. Il viendra, c'est certain ! D'ailleurs, il est déjà venu pour un autre monstre . Dans sa tête, Victorien crie son nom. Ça résonne dans sa tête.
- Super Héros, j'ai besoin de toi !
LE VOILÀ !

(Super Héros) - Je te retrouve encore ! La dernière leçon que je t'ai infligée ne t'a-t-elle pas suffi ?
(Le Monstre) - MOUHAHAHAA ! Il en faudra bien plus pour te débarrasser de moi !
(Super Héros) - Laisse-le tranquille ! Il ne t'a rien fait et ne t'a d'ailleurs pas invité.
(Le Monstre) - Je fais ce que je veux morveux ! S'il me plait de rester ici, je resterai. On est bien ici, non ? Un rêve sympa, une chouette chambre... Je l'avoue : ça m'amuse beaucoup de jouer les indésirables. HAHAHA !
(Super Héros) - C'est mon dernier avertissement. VA-T-EN !
(Le Monstre) - Toi ? Coincé dans ta bulle ? Viens plutôt me chercher si tu l'oses.

Super Héros le sait : discuter des heures durant avec pareil énergumène est inutile. Ce n'est pas faute d'avoir essayé dans le passé. Même si, dans le passé, certains monstres se sont pliés sans broncher à ses exigences, d'autres bêtes telles que celle-ci, en revanche, n'ont pas le moindre intérêt ni aucune envie de bavarder. Aussi, toute négociation étant exclue, il n'en faut pas davantage pour que Super Héros bondisse hors de la bulle afin de montrer à cette bestiole de quel bois il se chauffe.

Cela ne va d'ailleurs pas durer. Un croc en jambe par ci. Une clé de bras par là. Super Héros a vite fait de maîtriser le vil animal. Celui-ci s'est bien défendu, il est vrai, mais Super Héros est bien plus malin , bien plus agile, bien plus rapide, bien plus fort que son adversaire. En un tour de bras, l'animal est neutralisé et renvoyé d'un bon coup de pied à l'intérieur la bulle qui se referme sur lui.

(Super Héros) - Eh bien cette fois-ci, tu ne m'auras guère résisté, vipère. Pas trop en forme dirait-on.
(Le Monstre) - Si tu crois qu'il te suffit de m'enfermer dans une stupide bulle pour m'empêcher de faire ce que je veux , tu te trompes, gamin.
(Super Héros) - Rassure-toi, vilain. Il n'y aura bientôt plus de bulle pour toi.
(Le Monstre) - Oh hooo ! Dans ce cas, je pourrai reprendre mes activités favorites.
(Super Héros) - Hmm ! Pas vraiment.
(Le Monstre) – Co comment ça « pas vraiment » ???
Super Héros sort alors son épée de sa gaine et le Monstre comprend soudain :
(Le Monstre) - Non ! Ça ne compte pas, ça ! Noooooooon !

D'un coup rapide et précis, Super Héros éclate la bulle qui disparait dans le néant et emmène la Bête avec elle. Le silence soudain se fait. La tempête qui faisait rage il y a quelques instants encore vient de disparaitre d'un coup. Le silence, la tranquillité, le calme sont enfin revenus !

Super Héros a de nouveau accompli sa mission. Victorien a trouvé les ressources et la force nécessaires pour faire sortir le Super Héros qui sommeillait en lui. Victorien sait désormais qu'il peut l'appeler quand il le veut car Super Héros, c'est lui !

ODYSSEUS, Super Héros pour les grands, décembre 2013.