Touchatout, dont un biographe s'est plu à dire qu'il avait trempé sa marotte dans l'écritoire de Juvénal, comprit, dès le début de sa carrière littéraire, que la bonne plume du rire suffisait à abattre plus de préjugés, à vaincre plus de scrupules, à réformer davantage les mœurs que n'importe quelle grave leçon de morale. Toutchatout savait qu'on tue plus avec le ridicule qu'avec la colère et, là où les plus grands employaient la véhémence oratoire, il se contenta de pousser un franc et sonore éclat de rire, d'une gaîté bien gauloise et bien mordante. De la bravoure se mêlait aux attaques, et parfois Touchatout poussait jusqu'au danger la témérité de ses critiques. Mais il le faisait, chaque fois, avec une telle gaîté communicative, un sens si drôle de la moquerie que les ennemis même pardonnaient, désarmés. «Personne, a écrit Noël Parfait, ne possède à un plus haut degré l'art d'assommer les gens en ne leur laissant même pas la satisfaction de lui en vouloir, tant c'est fait avec bonne humeur.»