Un jour, sur les trois heures du soir, cette porte s’ouvrit ; il en sortit un petit vieillard grassouillet, pourvu d’un abdomen flottant et proéminent et qui l’oblige à bien des sacrifices, car il est forcé de porter un pantalon excessivement large, afin de ne pas gêner ses mouvements ; aussi, depuis longtemps, a-t-il renoncé complètement à l’usage des bottes et des sous-pieds ; il a des souliers, et ses souliers étaient à peine cirés. Le gilet, incessamment repoussé vers le plan supérieur des cavités gastriques par ce ventre de cuisinier, et déprimé par le poids de deux protubérances thoraciques qui feraient le bonheur d’une femme maigre, offre à la plaisanterie des passants une ressemblance parfaite avec une serviette roulée sur les genoux d’un convive absorbé dans une discussion au dessert. Les deux jambes sont grêles, le bras est long, une des mains n’a de gant que dans les occasions les plus solennelles, et l’autre ignore absolument les bénéfices de cette seconde peau. Ce personnage évite l’aumône et la pitié que lui mérite l’état d’une vénérable redingote verte, par une rosette rouge qui prouve l’utilité de l’ordre de la Légion d’honneur, un peu trop contestée depuis dix ans, disent les nouveaux chevaliers. Le chapeau bossué, dans un système constant d’horripilation aux endroits où persiste un poil roussâtre, ne serait pas ramassé par le chiffonnier si le petit vieillard l’oubliait sur une borne. Beaucoup trop distrait pour s’astreindre à la gêne qu’exige une perruque, ce savant (c’est un savant) montre, en saluant, une tête qui, vue d’aplomb, a toute l’apparence du genou de l’Hercule Farnèse. Au-dessus de chaque oreille, quelques bouquets de cheveux blancs tortillés brillent au soleil comme les soies factieuses d’un sanglier poursuivi. Le cou, d’ailleurs, est athlétique et se recommande à la caricature par une infinité de rides, de saillants, par un fanon flétri, mais armé de piquants à la façon des orties. L’état constant de la barbe explique aussitôt pourquoi la cravate, constamment refoulée, roulée, travaillée par les mouvements d’une tête inquiète, a comme une contre-barbe infiniment plus douce que celle du bonhomme, et composée des fils éraillés de ce tissu malheureux. Maintenant, si vous avez deviné le torse, le dos puissant d’un travailleur obstiné, vous connaîtrez la figure douce, un peu blafarde, les yeux bleus extatiques et le nez fureteur de ce vieillard ; quand vous saurez que le matin, coiffé d’un foulard, et serré dans sa robe de chambre, l’illustre professeur (il est professeur) ressemble tant à une vieille femme, que plus d’un jeune homme allemand, venu du fond de la Saxe, de Weymar ou de la Prusse pour le voir, lui a dit : « Pardon, madame ! » et s’est retiré. Cette silhouette d’un des plus savants et des plus vénérés membres de l’institut, accuse si bien l’entraînement de l’étude et les distractions causées par la recherche de la vérité, que vous devez reconnaître le célèbre professeur Jean-Népomucène-Apollodore Marmus de Saint-Leu, l’un des plus beaux génies de ce temps.