– Écoute un peu, dit Ferme-l’Œil, et n’aie pas peur ; je vais te montrer une petite souris ; et alors il lui montra une gracieuse petite bête qu’il tenait dans sa main. – Elle est venue pour t’inviter à la noce ; deux petites souris vont se marier cette nuit ; elles demeurent sous la marche de la fenêtre de la salle à manger, et elles ont là une très-belle habitation. – Mais comment pourrai-je y entrer par un si petit trou ? – Laisse moi faire, dit Ferme-l’Œil, je te rendrai assez mince pour passer. Et il toucha Hialmar de sa seringue enchantée ; et alors sa taille commença à diminuer, et continua si bien à s’amoindrir qu’il n’était pas à la fin aussi haut qu’un doigt. – Emprunte maintenant les habits d’un de tes soldats de plomb. Tu en trouveras bien qui t’iront : c’est très-joli de porter un uniforme quand on est en société. – Certainement, dit Hialmar ; et bientôt il fut habillé comme un joli petit soldat de plomb. – Voulez-vous avoir la bonté de vous asseoir dans le dé de votre mère, dit la petite souris, et j’aurai l’honneur de vous traîner ? – Comment, mademoiselle, vous vous donnerez cette peine ? Et ils arrivèrent ainsi à la noce des souris. Ils traversèrent d’abord sous la marche une longue allée qui était juste assez haute pour les laisser passer. Toute cette allée était illuminée avec du bois pourri qui brillait comme du phosphore. – Ne trouvez-vous pas que cela sent bon ici ? dit la souris qui le traînait. Toute l’allée vient d’être frottée avec du lard. Oh ! que tout cela est beau ! Puis ils entrèrent dans le salon. À droite se tenaient toutes les dames souris ; elles murmuraient et chuchotaient comme si chacune se moquait de sa voisine ; à gauche étaient les messieurs, qui se caressaient la moustache avec leur patte. Au milieu du salon se trouvaient les futurs époux : ils étaient debout dans une croûte de fromage creusée, et ils s’embrassaient d’une manière effrayante, devant tout le monde ; mais enfin ils étaient fiancés, et le moment définitif approchait. Il arrivait toujours de nouveaux invités : la foule était si grande qu’une souris risquait d’écraser l’autre ; les fiancés s’étaient placés au milieu de la porte, de façon qu’il était tout aussi impossible d’entrer que de sortir. La chambre, aussi bien que l’allée, avait été frottée de lard, et cette agréable odeur tenait lieu de rafraîchissements. En guise de dessert, on montrait un pois vert dans lequel une souris avait découpé avec ses dents les initiales des futurs époux. On n’avait jamais rien vu de si magnifique. Toutes les souris déclaraient que cette noce était une des plus belles qu’on pût voir, et que la conversation s’était fait remarquer par son bon ton, sa variété et sa délicatesse. Hialmar retourna chez lui dans l’équipage qui l’avait amené. Il était heureux d’avoir été dans une société si distinguée ; mais aussi il avait été obligé de se réduire à sa plus simple expression, de s’amincir extraordinairement et de revêtir l’uniforme d’un de ses soldats de plomb.